MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 31 mai 2012

P. 149. Fins de mois de mai et débuts juin dans le Journal de J. Renard

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Jules Renard,
Journal, 1887-1910,
Robert Laffont, Coll. Bouquins, 1998, 1140 p.
(1)

Présentation de l’Editeur :

- "Un bon mot vaut mieux qu'un mauvais livre." Jules Renard illustre la justesse de son propos tout au long de son Journal qui vaut une bibliothèque entière.
« J'ai le goût du sublime, et je n'aime que la vérité ». Cette réflexion, Jules Renard (1864-1910) l'a inscrite dans son Journal sous la date du premier janvier 1901, un journal qu'il a commencé à tenir une bonne dizaine d'années plus tôt et qu'il ne lâchera plus jusqu'à sa mort. Comme tous les timides, il répugnait à se confier aux autres. C'est son Journal qui lui sert de confident, d'interlocuteur, de complice. C'est à lui qu'il confie ses envies, ses doutes, ses craintes, par exemple celle des femmes : « Je les aime toutes. Je fais des folies pour elles. Je me mine en rêves. » Dreyfusard, anticlérical, antireligieux convaincu, il n'en est pas à une contradiction près : « j'ai l'esprit anticlérical et un coeur de moine. » Il avait la conscience amère, injuste et orgueilleuse de ses limites, mais aussi de ses qualités, celles des grands écrivains – l'humour, l'ironie, la poésie : « Les ironistes, ces poètes scrupuleux, inquiets jusqu'à se déguiser. » Portrait d'une époque et d'un milieu portrait, portrait d'une âme poétique jusqu'à la souffrance, le Journal de Jules Renard est un chef-d'oeuvre de la langue française et le témoignage d'un grand moraliste : « Je me fais une haute idée morale et littéraire de l'humour ». Cette édition a été présentée et annotée par Henry Bouillier, professeur émérite de l'université de Paris IV-Sorbonne et spécialiste réputé de la littérature du XXe siècle, de Segalen en particulier, dont il a publié deux volumes d'Oeuvres dans « Bouquins »."

Henry Bouillier :

- "Ne pas se tromper aux figures hautaines et silencieuses : ce sont des timides", écrit Jules Renard parlant de lui. Comme tous les timides, il répugnait à se confier aux autres. Son Journal lui sert de confident, d'interlocuteur, de complice. C'est à la mémoire des feuillets qu'il remet ses pensées les plus secrètes et les plus contradictoires. Ardent dreyfusard, il écrit : "Je suis écoeuré à plein coeur, à coeur débordant, par la condamnation d'Emile Zola (2)..." Mais il confesse ailleurs : "Nous sommes tous antijuifs. Quelques-uns parmi nous ont le courage ou la coquetterie de ne pas le laisser voir."
Il se répand en réflexions misogynes : "Si jamais une femme me fait mourir, ce sera de rire" ; "Dès qu'on dit à une femme qu'elle est jolie, elle se croit de l'esprit" ; "La femme est un roseau dépensant." Mais n'est-ce pas pour exorciser le chant des sirènes ? "Je les aime toutes. Je fais des folies pour elles. Je me ruine en rêves."
Anticlérical, antireligieux convaincu, auteur de La Bigote, au Journal il confie cependant : "J'ai l'esprit anticlérical et un coeur de moine."
Il avait une conscience amère, injuste et orgueilleuse de ses limites, mais aussi de ses qualités, celles des grands écrivains - l'humour, l'ironie, la poésie : "Les ironistes, ces poètes scrupuleux, inquiets jusqu'à se déguiser."
Portrait d'une époque et d'un milieu, peinture des naturels du Morvan, et par-dessus tout portrait d'une âme poétique jusqu'à la souffrance, le Journal de Jules Renard est un chef-d'oeuvre de la langue française et le témoignage d'un grand moraliste : "Je me fais une haute idée morale et littéraire de l'humour."
(4e de couverture).


Portrait et écriture de Jules Renard (Mont. JEA/DR).

1890

28 mai
- "Un rire triste comme un clown en habit noir."
2 juin
- "J'ai bâti de si beaux châteaux que les ruines m'en suffiraient."
(P. 52).

1891

- "Un mot d'Allais (3) : La nuit tombait, je me penchai pour la ramasser.
(...) Le crâne de Barrès (4), c'est un peu celui du corbeau d'Edgar Poe (5)."
(P. 77).

1893

- "Si le mot cul est dans une phrase, le public, fût-elle sublime, n'entendra que ce mot."
(P. 131).

1894


30 mai
- "Rodenbach (6) : une littérature de cave fraîche.
Ma littérature n'est qu'une continuelle rectification de ce que j'éprouve dans la vie.
Comme quelqu'un qui cherche fiévreusement dans un livre ce qu'il faut faire pour ranimer le noyé couché sur la rive."
31 mai
- "Une barbe rare, comme mangée par les grillons."
(P. 180).

1895

4 juin
- "La nuit, et le matin de bonne heure, dans les rues, les attelages de chiens qui font croire qu'un peuple de nains prend possession de la cité, vit et travaille pendant que dort la race des géants.
Bruxelles, c'est une capitale de province. Les bicyclistes y ont encre des trompes."
(P. 220).


Souvenir de Bruxelles et... de ses chiens (Graph. JEA/DR).

1896

26 mai
- "La vie est courte, mais comme c'est long, de la naissance à la mort !
(...) Des arbres morts tendent leur fin squelette la nuit."
(PP. 264-265).
6 juin
- "Des monuments de nuages se bâtissent là-bas.
(...) Vieille ferme, murs qui suent du sang noir de fumier."
(P. 266).

1897


29 mai

- "Un gros nuage, comme un paquet de linge sale."
(P. 325).

1898

28 mai
- "Mais, madame vous n'êtes pas vieille ! Vous êtes au soir de votre vie; et, le soleil qui se couche, ce n'est pas la vieillesse."
(P. 385).
2 juin
- "Le cimetière où, tant de fois, le village tout entier est venu se reposer."
(P. 386).

1899

2 juin

- "Il s'agit d'être non pas le premier, mais unique."
3 juin
- "Dans une carrière j'arrache avec mes ongles des cailloux polis : je ne construirai jamais rien."
(P. 418).

1900

2 juin

- "Ne la fais pas au saint laïc. Sois modeste. Si tu te crois supérieur, demande pardon à ton idéal. Fais le bien si tu peux, mais dis toujours : "Pardonnez-moi, même si je fais le bien : je ne sais jamais ce que je fais."
(P. 449).

1901

8 juin

- "Orage. Eclairs couchants. De longs, espacés, de vilains comme des araignées de feu.
(...) Ils laissent leurs femmes aller à la messe, comptant sur elles pour s'excuser quand le prêtre viendra à leur lit de mort."
(P. 525).

1902


1er juin
- "Motocyclette de course : une bête de noire ferraille, avec deux longues cornes."
(P. 596).


Signature de Jules Renard (Graph. JEA/DR).

1903

27 mai
- "Théâtre. Comédiens comme toujours dans l'eau comme des canards."
(P. 652).
29 mai
- "Au Bois. Il fait nuit. Notre ombre qui s'appuie contre un arbre nous fait peur.
(...) Chaque fois que le "Jules" n'est pas suivi du mot 3renard", j'ai du chagrin."
(P. 653).
4 juin
- "Réception de Rostand (7) à l'Académie française.
Mon cocher ne se presse pas.
- Ça ne vous excite pas, vous, l'Académie française ?
Il ne me répond même pas."
(P. 654).

1904

30 mai

- "Quand on cause avec un paysan, on s'aperçoit qu'on ne sait rien, ou que c'est comme si on ne savait rien, car on ne peut rien lui apprendre."
8 juin
- "Style pur comme l'eau est claire, à force de travail, à force de s'user, pour ainsi dire sur les cailloux."
(P. 711).

1905

30 mai
- "Il n'est pas nécessaire de mépriser le riche : il suffit de ne pas l'envier.
Je me promène à l'intérieur, sur mon lac d'ennui.
1er juin
- "Il me semble que mon amour pour la nature l'embellit : l'herbe me paraît plus verte qu'autrefois, et, les tuiles des maisons, plus roses."
(P. 768).

1906

30 mai
- "Dieu nous jette aux yeux de la poudre d'étoiles. Qu'y a-t-il derrière elles ? Rien."
1er juin
- "Je regarde la nature jusqu'à ce qu'il me semble que tout pousse en moi."
(P. 831).

1907

1er juin
- "A Chaumot. A l'école, tous les gosses se lèvent à mon entrée, sauf un : c'est le gréviste. Il reste assis, la tête sur son coude."
(P. 876).
3 juin
- "Glorieux comme un pavot unique dans un champ de luzerne."

1908

31 mai
- "L'architecte me dit qu'il aime beaucoup les voyages parce que ça dédouble."
(P. 929).


Illustration de Félix Vallotton pour "Poil de carotte" (DR).

NOTES


(1) La pagination des extraits renvoie à cette édition.

(2) Lire la page 108 de ce blog : "Zola, J'accuse !". Cliquer : ICI.

(3) Alphonse Allais (1854-1905). Proposa de raser la ceinture fortifiée de Paris pour la remplacer par des espaces de sable : "Paris-Plage"...

(4) Maurice Barrès (1862-1923). A encore de beaux restes comme maître à penser de la droite nationale en France.

(5) The Raven. Poème de Poe traduit par Baudelaire.

(6) Georges Rodenbach (1855-1918). Poète symboliste ami du sulfureux Namurois Félicien Rops.

(7) Edmond Rostand (1868-1918). A droit à la reconnaissance de celles et de ceux qui n'oublient pas le biologiste Jean Rostand, dont il fut le père.

lundi 28 mai 2012

P. 148. Photos pétrifiées...

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(Ph. JEA/DR)
Si vous souhaitiez vous amarrer quelques instants à ce blog ? (Cancale).

Parfois des pierres prennent leur quartier en ville mal close. Ou s'éclatent les nuits glaciales. Se préoccupent de leur tour de taille et/ou de leur âge. Deviennent roches pour vous empêcher de se laisser mettre en poche.
Des pierres poncent sans pilate. Refusent de se laisser battre comme plâtre. Se sèment pour que fleurissent des histoires pour enfants. Se sentent incroyablement malheureuses. Font des ronds dans l'eau. Sont mal vues quand elles tombent dans le jardin d'un(e) autre.
Laissent les mousses découvrir le mal de mer et s'attachent au mat. Ouvrent le feu sans sommation. Font carrière. Se trouvent réquisitionnées pour se montrer édifiantes. Vieillissent en se voûtant sans laisser tomber pour autant leur clé.
Précieuses, elles supportent aussi des mémoires et prennent des mines graves. Dressées (par quel dompteur ?) ou couchées (mais en tout bien, tout honneur). Elles philosophent sans passer pour autant dans les journaux télévisés...

Pierres rurales


(Ph. JEA/DR).
Vachères. Le village de loin...


(Ph. JEA/DR).
Vachères. Le coeur de pierre du village.


(Ph. JEA/DR).
Tavaux. Une pierre pour une pensée.


(Ph. JEA/DR).
Revest. Certain(e)s affirment qu'une porte doit être ouverte...


(Ph. JEA/DR).
St-Martin de Cast. Ou fermée...

Pierres d'églises


(Ph. JEA/DR).
La Celle et non Troie. Une tête de cheval comme un trophée...


(Ph. JEA/DR).
Bancigny. Fonds baptismaux pour nouveaux-nés n'ayant pas froid aux yeux...

(Ph. JEA/DR).
Jeantes. Fonds baptismaux frappés par la foudre.

(Ph. JEA/DR).
Saint-Christol. Barbier sur la route d'un pèlerinage à Séville.

(Ph. JEA/DR).
Les Junies. Preuve que la lèpre est une maladie contagieuse se transmettant de l'homme à la pierre et vice-versa...

(Ph. JEA/DR).
Vézelay. Architecte monté sur une colline pour y trouver l'inspiration.

Messages de l'âge de la pierre

(Ph. JEA/DR).
Limans. Monument pacifiste... aux morts de 1914-1918.

(Ph. JEA/DR).
Bosmont. Memento du Café de la Gare transformé en passoire par les guerres successives. Photo dédiée aux objecteurs de conscience (s'il en reste).

(Ph. JEA/DR).
Vauclair. Coeur ayant cessé de battre dans les ruines de 14-18.

(Ph. JEA/DR).
Jeantes. Coeur n'ayant cessé de battre depuis 1737...

(Ph. JEA/DR).
La Merve. Trace éphémère d'un passage même pas clandestin.

(Ph. JEA/DR).
Rumigny. Toutes les fleurs ne sont pas périssables...


Autres pages de l'album photos de ce blog ? Cliquer : ICI.

jeudi 24 mai 2012

P. 147. Albert Szerman, rescapé des rafles du Vél d'Hiv' et de La Varenne

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Les deux Justes parmi les Nations : Henri et Solange Ardourel, sauveteurs d'Albert Szerman (Mont. JEA/Droits Réservés à ce seul blog) (1).

Introduction (2)

Immigrés de Pologne, Josek Szerman et son épouse, Rywka Szerman née Basz, abandonnent cette terre de pogroms pour gagner la France dans les années 1930. En 1936, la naissance d'Albert Szerman agrandit la famille.
Comme le couple travaille très dur, Albert est confié à une nourrice.
Survient la guerre. En 1942, la politique de la « solution finale » se concrétise par la chasse systématique aux juifs. Josek et Rywka Szerman sont arrêtés lors de la terrible rafle du Vél d’Hiv'. Le 22 juillet 1942, le couple est transféré de Drancy. Ils compteront tous deux au nombre des déportés du convoi n°9 à destination d’Auschwitz (3) où ils périrent sans sépulture.
Epargné par le sort car il n’était pas avec ses parents au moment de la rafle, Albert est placé en maison d’enfants et d’orphelins. De l’été 1942 jusqu’à l’été 1944, la guerre va se poursuivre avec son cortège d’horreurs dont l'antisémitisme n'est pas des moindres.
En juillet 1944, Albert se trouve à l’orphelinat « Beiss Yessoïmim », 30 rue Saint-Hilaire à La Varenne (commune de Saint-Maur-des-Fossés, dans l’actuel département du Val-de-Marne).
Le samedi 22 juillet 1944 restera une date définitivement noire car une rafle frappe La Varenne-Saint-Hilaire. Des nazis et des collabos, sous les ordres du SS-Haupsturmführer Aloïs Brunner (4), envahissent non seulement l’orphelinat mais encore la pension d’enfants Zysman, située au 57, rue Georges-Clemenceau.
Des autobus ont été mobilisés pour emmener les gosses raflés.
Or, il advient qu’Albert Szerman soit pris de malaise en pleine rafle. Une lingère de l’institution, non juive, le prend en charge et le conduit chez elle, en face de l’orphelinat. De la fenêtre, l’enfant est témoin du drame jusqu’à ce que s’éloignent les autobus où durent monter tous ses petits copains et les monitrices de l’orphelinat. Direction : Drancy. Le 31 juillet 1944, le convoi 77 les emportera pour Auschwitz (5).
Mais Albert, 8 ans ? Il devra la vie à Henri et à Solange Ardourel dans des circonstances que le rescapé décrira lui-même ci-après.
Après la Libération, la vie reprend ses droits. Sans autres enfants, M. et Mme Ardourel envisagent d’adopter Albert. Jusqu’à ce que le frère de Josek, son père, vienne le chercher pour renouer des liens avec ses origines juives. C’est un déchirement pour Albert ! Il ne rompra pas pour autant les contacts avec ses sauveurs. Cette belle histoire se prolongera jusqu’à la retraite du couple, à Ciry-Salsogne (Aisne) et au décès d’Henri Ardourel en 1962 puis de Solange en 1978.
Albert Szerman, seul rescapé de la rafle de l’orphelinat de La Varenne-Saint-Hilaire, a témoigné sur les circonstances de son sauvetage, dans Les Orphelins de La Varenne 1941-1944, éditions L’Harmattan (2004).


Couverture de l'ouvrage contenant le témoignage d'Albert Szerman (DR).

André Kaspi, auteur de la préface :

- "Dans la dernière semaine de juillet 1944, les Alliés progressent en Normandie. Caen est libéré. Les Allemands viennent d'abandonner Saint-Lô. Les troupes du général Omar Bradley s'apprêtent à lancer l'opération Cobra qui aboutira... à la libération de Paris.

C'est l'été des grandes espérances.
Mais du 20 au 24 juillet, en pleine nuit, le capitaine SS Aloïs Brunner, chargé des questions juives de la région parisienne, fait arrêter 250 enfants. Entassés dans des autobus, ils sont transférés à Drancy. Le 31 juillet, ils partent, 60 par wagons, "vers l'Est", à Auschwitz-Birkenau, dont aucun ne reviendra.
Ils vivaient dans des orphelinats à Paris, à Montreuil, à Louveciennes, à Neuilly, à Vincennes, à Saint-Mandé, à La Varenne Saint-Hilaire…"

Description de la rafle 22 juillet 1944, à la Pension Zysman, 57 rue Geoges Clemenceau :

- "Louise nous renseigne encore sur le déroulement de la rafle. Mise au courant par des amis, elle se précipite à la pension pour y découvrir la catastrophe et apprend le film des évènements par une voisine habitant le pavillon contigu. Vers quatre ou cinq heures du matin, cette dame avait été réveillée par le bruit de véhicules freinant devant sa maison : trois autobus.
Deux Allemands en uniforme et des civils à leurs ordres avec brassard étaient présents. On conduisit les enfants et le personnel de la pension au premier autobus. On jeta par les fenêtres, matelas, couvertures, linge que l'on entassa dans les deux autobus suivants. On y empila de la vaisselle. Les dix enfants, deux membres du personnel, la cuisinière : Lucie Lithuac, 47 ans et mademoiselle Lévy directrice du foyer furent internées à Drancy."

A l'orphelinat, 30 rue Saint-Hilaire :

- "La rafle frappe en effet l'Orphelinat la nuit même où elle s'abat sur la pension Zysman. Elle se produit dans un climat de plus grand effroi : l'Orphelinat est cerné et les S.S ordonnent son évacuation, mais les enfants, gagnés par la panique, refusent de descendre. Alors les S.S., pour montrer leur détermination tirent sur la façade à l'arme automatique. (La trace des balles marqua le bâtiment jusqu'à sa destruction en 1982).
Dix huit enfants terrorisés sortent de l'Orphelinat. On les fait monter dans un autobus, ainsi que cinq femmes membres du personnel. Cependant, l'une d'elle persuade les Allemands qu'elle n'est pas juive. On l'autorise à partir."

Sont déportés sans retour :

Les enfants de l’orphelinat Saint-Hilaire :


Volf AGREST, né en 1935
Berthe ALTER, 1938
Charlotte ALTER, 1940
Raphaël BENDERSKI, 1938
Bernard BERNSTEIN, 1939
Regina BERNSTEIN, 1937
Simon BERNSTEIN, 1936
Christiane FIX, 1936
Maurice FIX, 1933
Jean GRUMBERGER, 1937
Renée GRUMBERGER, 1936
Rolande GRUMBERGER, 1938
Emmanuel HOLZ, 1940
Alain JURKIEWICZ, 1936
André KANE, 1939
Alliah SEBBAH, 1940
David SZWALBERG, 1935
Hermann SZWALBERG, 1934
Madeleine SZWALBERG, 1936
Jacques TABAK, 1936.

Les enfants de la pension Zysman :


Justine FRIEDRICH, 1938
Jacques HOPENSZTAND, 1934
Paul JAKUBOWICZ, 1938
Isak RACHOW, 1936
Suzanne STERBER, 1938
Édouard WAJNRYB, 1939
Michel WESTREICH, 1940 (6)


Albert Szerman donnant lecture de son témoignage unique et bouleversant. A dr. : sa première page manuscrite (Ph. JEA/DR à ce seul blog).

Ce 20 mai 2012, une Cérémonie de reconnaissance des sauveurs d'Albert Szerman, les Justes Henri et Solange Ardourel, s'est déroulée à la Salle polyvalente de Crouy. L'invitation avait été envoyée par M. Daniel Moitié, Maire de Crouy ainsi que par le Comité Français pour Yad Vashem, représenté par ses délégués Viviane Saül et Alain Habif (7).

Albert Szerman rappela comment il fut arraché à la Shoah :


- "Alors que la France s'apprête à commémorer le 70e anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv', le rôle des Justes durant ces heures sombre ne doit pas faire oublier que l'Etat Français et ses autorités de l'époque ont porté une lourde responsabilité dans la collaboration, tandis qu'une partie de la population s'est dressée contre la barbarie. Ces milliers de personnes qui ont sauvé des Juifs malgré les risques encourus, démontrent, s'il en était besoin, qu'il était possible d'agir. En 2007, le Président Chirac a salué leur courage et leur importance dans l'Histoire, lors d'une émouvante cérémonie, en leur accordant les honneurs du Panthéon. Ils sont à tout jamais très proches de ceux qui ont fait la grandeur de la France.
A travers mon histoire, vous allez découvrir deux de ces Justes qui s'apprêtent à recevoir reconnaissance et admiration. Notre fierté est si grande, et leur émotion si belle !
Nous voici arrivés au coeur même du récit, bien longtemps après les faits. A La Varenne, petite ville charmante des bords de Marne, s'est déroulé, à un mois de la libération, un drame épouvantable, la déportation des enfants de l'Orphelinat. La machine à remonter le temps va s'arrêter le 22 juillet 1944, date qui va rester à tout jamais dans les mémoires. Ce jour d'été, a priori comme les autres, va se transformer en cauchemar pour ceux qui l'ont vécu et ceux, si rares, qui ont survécu. Rien ne laisse présager ce qui va suivre si ce n'est qu'il règne alors une animation inaccoutumée; des préparatifs de départ s'organisent, les enfants âgés de 4 à 11 ans sont brutalement réveillés, les monitrices s'efforcent de calmer leurs angoisses.
Je suis avec mes camarades quand le destin va se manifester une première fois. Pris de vomissements, je suis emmené à l'infirmerie par une employée non juive, puis à son domicile au premier étage d'où je vais être le témoin horrifié de scènes insoutenables. Les 28 orphelins vont être précipités dans les autobus de la honte avec baluchons et matelas puis conduits à Drancy.
Ils vont vivre alors d'horribles journées avant d'être acheminés le 31 juillet par le convoi 77 vers Auschwitz, dans des wagons à bestiaux. Après un épouvantable voyage de 2 jours et demi, entassés dans le noir, apeurés, assoiffés, suffocants, ils vont arriver à Birkenau à moitié nus, et sans chaussures pour la plupart. A leur descente, ils vont être immédiatement gazés.
Il faut savoir que de 1942 à 1944, en France, 11.000 enfants juifs subirent le même sort. Dans le même temps, 70.000 survécurent grâce à la solidarité et à l'aide d'hommes et de femmes qui s'opposèrent courageusement à ces "crimes contre l'humanité".


Viviane Saül et Alain Habif, délégués du Comité Français pour Yad Vashem. Au micro : Albert Szerman (Ph. JEA/DR à ce seul blog).

Suite du témoignage d'Albert Szerman :


- "Que s'était-il passé à La Varenne avant le 22 juillet 1944 ? Pour ces enfants, la menace, les rafles, pour les adultes du quartier des actes de courage et pour certains aussi des actes moins nobles.
Quant à moi, tremblant de peur, je n'ai pas conscience du miracle qui vient de se produire. Au petit patin, l'employée qui m'a sauvé, va alors se libérer de toute servitude et, par crainte de probables représailles, me laisser au bas de chez elle. C'est alors que le destin va se manifester à nouveau. Comme chaque jour, de très bon ne heure, un couple de commerçants qui possèdent une épicerie non loin de l'Orphelinat, se rend à se achats et découvre un gamin chétif, à moitié endormi; ils comprennent qu'il s'agit d'un rescapé de la rafle de la veille. Ils le ramènent et le cachent dans leur arrière boutique.
Voilà le début de cette histoire qui va ensuite s'accélérer et rendre le parcours de cet orphelin plus miraculeux encore. Mes sauveurs, vous l'aurez deviné, Solange et Henri Ardourel, vont s'évertuer à me prodiguer les soins nécessaires à mon état. Sous alimenté, mon rachitisme peut faire craindre le pire. Il va leur falloir beaucoup de patience et de temps aussi pou faire du jeune Albert un enfant comme les autres. Pour cela, ils vont prendre tous les risques et ignorer le danger qui est permanent. Le matériel ne va plus alors compter, ils vont mettre leur activité commerciale entre parenthèses, alors que les gens manquent de tout, le profit va s'avérer secondaire et tout cela en oubliant leur propre sauvegarde. Ce qui est sûr, c'est que sans une chance insensée et sans l'attitude exceptionnelle de Monsieur et de Madame Ardourel, je ne serais plus qu'un nom et une date de naissance gravés sur une plaque, apposée en 1986, sur un mur triste, sur les lieux mêmes de la tragédie : Szerman Albert 8 ans."


Une salle comble à l'écoute du destin unique d'Albert Szerman et des Justes Henri et Solange Ardourel (Ph. JEA/DR à ce seul blog).

Suite du témoignage d'Albert Szerman :


- "Mais qui peut savoir que ces horreurs ont vu le jour sous le regard bienveillant, pour ne pas dire complice de gens ordinaires qui, pour la plupart, savaient ce qui se préparait et n'ont pas tenté de sauver des enfants. La lâcheté et la délation étaient alors monnaie courante. Aujourd'hui, il ne subsiste de l'inqualifiable horreur que l'évocation des souvenirs par les rares témoins encore vivants et les commémorations ici ou là qui permettent le rappel des faits, afin que ceux-ci ne tombent jamais dans l'oubli.
Encore maintenant, près de 70 ans plus tard, les cauchemars hantent mes nuits et dans ma mémoire se bousculent tous ces visages affreusement tristes pour qui amour et confiance ne furent que de vains mots. A l'instant de partir, ils avaient dans le regard ce reste d'innocence que la détresse a défloré. Privés d'un père et d'une mère, disparus dans la tourmente, ils ont tendu leurs petites mains à leurs bourreaux, sans même comprendre qu'ils seraient victimes de la barbarie des hommes.
Lors du 50e anniversaire de la déportation, les historiens de Saint Maur-La Varenne m'ont demandé d'apporter ma pierre à la commémoration et de raconter ce que fut le calvaire des enfants. Moi seul étais à même d'évoquer, dans la douleur, ce 22 juillet 1944, et cela sur les lieux mêmes, devenus depuis un Centre d'accueil pour jeunes sans foyer. Je me souviens avoir terminé par ces mots lourds de sens qui avaient été prononcés auparavant lors de l'anniversaire de la déportation des enfants d'Izieux (8) par le sinistre Barbie (9) : "Au nom de cette enfance assassinée, plus jamais ça".
Ici, devant vous, j'ai cette impression étrange qu'ils s'expriment tandis que je vous parle et que par ma bouche, ils nous disent leur bonheur d'être parmi nous. Leur destinée est à la fois insoutenable et universelle.
Je voudrais vous confier un petit secret : Solange et Henri Ardourel avaient envisagé mon adoption, quels merveilleux parents adoptifs j'aurais eu, hélas j'ai suivi une autre route..."


Médaille de Yad Vashem frappée aux noms d'Henri et de Solange Ardourel (Mont. JEA/DR à ce seul blog).

Conclusion d'Albert Szerman :

- "A l'instant de conclure, sachez que je suis heureux que leur famille et leurs amis soient présents à cette cérémonie où sont évoqués tant de souvenirs. L'émotion est bien réelle, ils sont enfin reconnus Justes parmi les Nations et je suis fier d'avoir contribué à faire reconnaître leurs immenses mérites, afin qu'ils soient honorés publiquement, et surtout qu'un hommage solennel, tardif sans doute, leur soit rendu. Le petit garçon est devenu un vieux Monsieur, il vit l'un des plus grands jours de son existence, ce 20 mai 2012.
Cette médaille et ce diplôme, s'ils mettent en lumière un moment dramatique de leur vie, sont aussi, pour nous tous ici présents, la plus belle et la plus méritée des récompenses. J'aurais tant aimé qu'ils reçoivent cet hommage de leur vivant, j'aurais tant voulu partager avec eux leur émotion, et pour tout dire, ces rares instants de pur bonheur.
J'espère qu'à travers ce récit, vous aurez appris à connaître et à aimer deux être exceptionnels, admirables de courage et de volonté et à qui je dois tant. Merci Solange, merci Henri, pour ce magnifique cadeau que vous m'avez offert : la Vie.
Le miracle, en fait, c'est que 68 ans après la déportation des orphelins de La Varenne, tout est encore présent et le sera jusqu'à mon dernier souffle. Il n'y aura jamais de place pour l'oubli. Quand on a connu et vu toutes ces horreurs, quand on a croisé la route d'hommes et de femmes si merveilleux, on peut se préparer à refermer le livre de sa vie."

(s) Albert SZERMAN
(10).

(Ph. de gauche) Albert Szerman saluant la famille et les amis des deux nouveaux Justes. (Ph. de droite) Ginette Létoffé qui reçut la Médaille attribuée à titre posthume à ses oncle et tante. A ses côtés, M. Bernard Létoffé, Président du Comité d'entente des Associations d'anciens combattants (Mont. JEA/DR à ce seul blog).

NOTES :

(1) Tous droits réservés - 2012 - JEA pour cette page du blog.
Que les lecteurs (masc. gram.) veuillent bien excuser ce rappel mais il s'impose face aux plagiaires systématiques, sans scrupules et bafouant toute éthique pour s'adonner à du "Shoah-business".

(2) Sur base du dossier établi par le Comité Français pour Yad Vashem.

(3) Convoi n°9 : 996 déportés, 5 survivants à la fin de la guerre.

(4) Alois Brunner (1912-?). Auteur de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Son itinéraire sanglant comme bras armé de la Shoah passe par Vienne, Drancy, la Grèce, Grenoble, les rafles d'enfants puis Bratislava. Il fut accueilli à bras ouverts en Syrie en 1954 où il mit son "expertise" au service du régime dictatorial. Son décès n'est pas prouvé ou du moins reste entouré de mystère.

(5) Convoi n° 77 : 1300 déportés, 209 rescapés à la libération.

(6) D'après Serge Klarsfeld, Le mémorial des enfants juifs déportés de France, 4, La Shoah en France, Fayard, 2001, 1255 p.
Liste du convoi 77 : pp. 366 à 372.

(7) Présentation lors de la Cérémonie, par Viviane Saül, déléguée :
- "Le Comité Français pour Yad Vashem est la branche française de l’arbre Yad Vashem. Régie par la loi de 1901, cette association laïque et républicaine fut fondée en 1989. Constitué de bénévoles, ce Comité est chargé de faire connaître et d’honorer les Justes parmi les Nations de France et de soutenir le Mémorial de Yad Vashem de Jérusalem dans sa mission de mémoire et d’enseignement."
Coordonnées :
- 33 rue Navier 75017 Paris
- Tél. : 01 47 20 99 57
- courriels, cliquer : ICI
- pour le remarquable site internet, cliquer : ICI.

(8) Lire sur ce blog la page 71 : "Les enfants d'Izieu n'ont que faire d'un avocat FN !". Cliquer : ICI.

(9) Consulter la page 33 de ce blog : "Le procès Barbie". Cliquer : ICI.

(10) JEA : retranscription intégrale du discours manuscrit confié par Albert Szerman à fin de publication sur ce blog.

REMERCIEMENTS :

Cette page vous est proposée grâce aux aides précieuses de :
Alain Habif, délégué du Comité Français pour Yad Vashem,
Daniel Moitié, Maire de Crouy et de son personnel municipal,
Manuel Rispal, pour la documentation sur le dossier des deux Justes,
Viviane Saül, déléguée du CF pour Yad Vashem,
Albert Szerman, enfant caché et rescapé de deux rafles.

Diplôme et Médaille remis lors de cette Cérémonie du 20 mai 2012 à Crouy (Ph. JEA/DR à ce seul blog).

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P. 147 bis. Henri et Solange Ardourel, Justes parmi les Nations honorés à Crouy

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Invitation à la Cérémonie (DR)

Reportage photographique retraçant la Cérémonie de reconnaissance des Justes parmi les Nations : Henri et Solange Ardourel.
Le dimanche 20 mai 2012 en la Salle polyvalente de Crouy (Aisne).



(Ph. JEA/Droits Réservés à ce seul blog -1)
M. Daniel Moitié, Maire de Crouy.

Dans un discours introductif empreint d'humanisme, le Maire a replacé les drames traversés par Albert Szerman, rescapé de deux rafles, ainsi que par ses sauveurs. Il a su décrire la Shoah dans toutes ses dimensions en France mais aussi le courage du couple Ardourel, lesquels n'hésitèrent pas à mettre leur propre vie en danger pour que soit épargnée celle d'un persécuté de 8 ans.


(Ph. JEA/DR à ce seul blog).
Remise du Diplôme et de la Médaille aux noms des deux Justes.

De g. à dr . : Mme Viviane Saül, déléguée du Comité Français pour Yad Vashem, Mme Ginette Létoffé ayant droit des Justes reconnus à titre posthume et recevant leur Diplôme ainsi que leur Médaille des mains de M. Yaron Gamburg, porte parole de l'Ambassade d'Israël en France. A ce titre, le diplomate souligna :

- "Kol amatsil nefesh ahat keilu etsil olam male - Quiconque sauve une âme sauve l’univers tout entier.
Cette citation du Talmud exprime toute l’importance que revêt pour le peuple Juif le comportement exceptionnel qui fut celui des Justes durant la deuxième guerre mondiale. Les Justes au plus fort de cette période sombre qu’a connu la France, ont eu le courage de braver l’autorité au péril de leur propre vie et de celle de leur famille, en sauvant des êtres humains dont le seul crime, était d’être juif…
Ils l’ont fait avec leur âme, avec leur cœur, avec leur sang car beaucoup y ont laissé la vie.
Les Justes considèrent pourtant ce qu’ils ont fait comme étant naturel et pensent même souvent qu’ils auraient pu en faire davantage. Pour beaucoup d’entre eux, ils ont agi par devoir, devoir d’humanité, devoir de citoyen et devoir de Français.
C’est pourquoi par leurs actes héroïques, ils n’ont pas seulement sauvé des innocents d’une mort certaine ; mais ils ont aussi sauvé la dignité humaine, et l’honneur de leur pays, la France (...).
C’est pourquoi rien ne doit nous écarter de notre devoir de mémoire et de vérité.
La vérité, il nous faut l’enseigner et la faire vivre, pour qu’elle ne soit jamais oubliée.
La mémoire il nous faut la brandir pour éclairer l’avenir et rappeler les liens éternels qui doivent s’établir entre le passé le présent et l’avenir de nos Nations.
La médaille des Justes parmi les nations est la plus haute distinction décernée par l’Etat d’Israël. Elle est l’expression d’une gratitude profonde et d’une reconnaissance éternelle."


(Ph. JEA/DR à ce seul blog)
La Salle polyvalente de Crouy était comble. Gros plan d'un public particulièrement attentif et chaleureux.


(Ph. JEA/DR à ce seul blog)
Les deux délégués du Comité Français pour Yad Vashem (2), Alain Habif et Viviane Saül.

L'oratrice rappelle :
- "En France, 76000 juifs furent déportés, dont 11 000 enfants. Seuls 2550 revinrent des camps d’extermination et aucun enfant ne se trouvait parmi eux. Toutefois, une grande partie des juifs en France ont eu la vie sauve grâce à des hommes et des femmes non juifs, qui n’écoutant que leur conscience, les ont cachés, protégés, nourris, leur ont souvent procuré de faux-papiers et sauvés d’une mort certaine.
Célèbres ou anonymes, ces héros étaient de tous âges, de toutes origines, de toutes appartenances religieuses et politiques et de tous milieux sociaux.
Ces hommes et ces femmes d’honneur avaient pour dénominateur commun le respect des valeurs morales, le rejet du fascisme et le courage d’agir malgré les risques encourus (...). Ces Justes ont non seulement sauvé des vies humaines, mais ils ont aussi incarné l’honneur de l’humanité, qui grâce à eux, n’a pas totalement sombré à Auschwitz (3). Si, sous le régime de Vichy, il y eu dans notre pays des collaborateurs, des gens qui ont livré des Juifs à la mort, d’autres gens, des hommes et des femmes, malgré la terreur, se sont dressés contre ces mesures anti-juives qu’ils ressentirent comme déshonorantes pour notre pays."


(Ph. JEA/DR à ce seul blog).
Albert Szerman évoque son propre destin qui fut marqué par d'authentiques "miracles".
Lire son témoignage sur la page 147. Sur la photo, de g. à dr. : les deux délégués du Comité Français pour Yad Vashem et Albert Szerman.


(Ph. JEA/DR à ce seul blog) 
Ginette Létoffé-Bourguignon s'est vu remettre la Médaille et le Diplôme de son oncle et de sa tante.

En son nom et à celui de son épouse, M. Bernard Létoffé,
Président du Comité d'entente des Associations d'anciens combattants, souligna la modestie et la discrétion spontanées des deux Justes à l'esprit desquels ne vint jamais le souhait de se glorifier du sauvetage d'un petit juif persécuté, ni des sacrifices qu'eux-mêmes avaient consentis lors des années cruelles de l'occupation.


(Ph. JEA/DR à ce seul blog) 
Résistants, Anciens Combattants, Associations Patriotiques et de Mémoire, autant de drapeaux qui se sont inclinés devant les victimes de la Shoah et les Justes parmi les Nations.


(Ph. JEA/DR à ce seul blog)
Deux jeunes filles de Crouy donnent lecture du poème "Le badge" d'Albert Pesses :

- "On m’a donné un badge,
Quand j’étais enfant,
On m’a donné un badge,
Ce que j’étais content !

Je l’ai cousu ce badge,
A la place de mon cœur,
Je l’ai cousu ce badge,
Sur mon plus beau vêtement.

Il était beau ce badge,
Jaune et bordé de noir.
Il était beau ce badge
Comme un astre vraiment.

La forme d’une étoile,
A six branches de surcroit.
La forme d’une étoile,
Un mot écrit dedans.

Un mot de quatre lettres,
En caractères gras.
Un mot de quatre lettres,
Tordues comme des serpents :

On avait marqué JUIF
Au centre lisiblement
On avait marqué JUIF
Sur mon cœur de 7 ans (...)"


(Ph. JEA/DR à ce seul blog).
La Chorale de l'Ecole de Musique de Crouy entonne avec talent le Chant des Partisans...


(Ph. JEA/DR à ce seul blog).
Entraînant le public dans un même élan : "Ami, entends-tu ?...


Paroles de Joseph Kessel et de Maurice Druon.
Musique et interprétation : Anna Marly.


(Ph. JEA/DR à ce seul blog).
Une dernière photo résumant cette Cérémonie.
De g. à dr : Alain Habif et Viviane Saül, Ginette Létoffé, Albert Szerman, Yaron Gamburg, Daniel Moitié.

Le Comité Français pour Yad Vashem précise que plus de 24.300 Médailles ont été attribuées dans environ 30 pays où put sévir le judéocide mais aussi où des Justes enrayèrent la machine infernale de la Shoah (4). En France même, plus de 3.500 de ces héros de l'ombre ont déjà été reconnus. Comme l'atteste et l'officialise la Cérémonie de Crouy, Henri et Solange Ardourel viennent de rejoindre cette famille de femmes et d'hommes d'honneur.


(Mont. JEA/DR à ce seul blog).
1954 : photo de famille. En haut à g. : Henri Ardourel. En haut à dr. : Solange Ardourel.

NOTES :

(1) Tous droits réservés - 2012 - JEA pour la page de ce blog.
Que les lecteurs (masc. gram.) veuillent bien excuser ce rappel mais il s'impose face aux plagiaires systématiques, sans scrupules et bafouant toute éthique pour s'adonner à du "Shoah-business".

(2) Coordonnées du Comité Français pour Yad Vashem:
- 33 rue Navier 75017 Paris
- Tél. : 01 47 20 99 57
- courriels, cliquer : ICI
- pour le remarquable site internet, cliquer : ICI.

(3) Lire la P. 107 de ce blog : "Auschwitz, notre infini désespoir". Cliquer : ICI.


(4) Sur ce blog, la Shoah est évoquée aux pages :
- 136 : Yom HaShoah , témoignages de rescapés dont Paul Schaffer, Président d'honneur du Comité Français pour Yad Vashem. Cliquer : ICI.
- 115 : Mémoire de la Shoah, la gare de Bobigny. Cliquer : ICI.
- 71 : Les enfants d'Izieu n'ont que faire d'un avocat FN. Cliquer : ICI.
- 33 : le procès Barbie. Cliquer : ICI.
- 7 : le procès de Céline. Cliquer : ICI.
- P. 3 : Bobigny, gare de la déportation. Cliquer : ICI.


(Ph. JEA/DR à ce seul blog)
Deux nouveaux noms dans le Jardin des Justes à Jérusalem et sur le Mur du Mémorial de la Shoah à Paris.


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lundi 21 mai 2012

P. 146. Homme orchestre et postmoderne...

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Pailhe (Ph. JEA/DR).

Dans le rôle d’homme orchestre
un épouvantail
pour un grand chant noir

auparavant le fleuve
était dans de beaux draps
maintenant son lit reste vide

un arbre perdant
la serrure de ses racines
en devient insomniaque

le chemin se referme
comme une main amputée
de quatre doigts au moins

la pluie a fini ses valises
elle les balance
dans le premier train revenu

les brouillons griffonnés
par les brouillards
restent illisibles

pas un pétale de soleil
seules quelques ombres orphelines
s’envolent comme des corbeaux

l’horizon à déchirer
telle une page
qui ne sera jamais écrite...

(Ph. JEA/DR).

Autres poèmes éparpillés dans ce blog ? Cliquer : ICI.


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jeudi 17 mai 2012

P. 145 . 17 mai 1713 : création d'"Ottone in villa" de Vivaldi

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Vivaldi et la partition de son Ottone in villa (Mont. JEA/DR).

NAÏVE

- "La création d’Ottone in villa à Vicence le 17 mai 1713 marque le point de départ officiel de la carrière lyrique de Vivaldi. Le Prete Rosso avait alors 35 ans. Un âge avancé si on le compare à celui de la plupart de ses contemporains au moment de leurs débuts à l’opéra. Mais un âge cohérent avec la volonté du musicien de centrer son activité théâtrale sur Venise et de s’y implanter durablement, à la fois comme compositeur et comme entrepreneur d’opéra."

Diapason d’or :


- "Adulé pour ses prestations virtuoses et auréolé du triomphe de l'Estro armonico, le jeune Vivaldi affronte pour la première fois l'arène d'un théâtre en 1713. En prologue d'un accueil triomphal espéré à Venise, il confie prudemment son Ottone in villa à Vicence. Le coup d'essai s'impose par son art de colorer une ligne, de doser l'inflexion qui émeut, mais aussi par des triples croches propres à flatter les gosiers agiles. Vivaldi partage avec Lalli, son sulfureux librettiste, le goût pour les séductrices perverses aux habits d'innocence, dont Cleonilla, voluptueuse maîtresse de l'empereur Ottone, est le parangon. Jeux de l'amour sans aucun hasard entre la dame peu farouche, le beau Caio et son amante Tullia, qui avance masquée. La saveur piquante est apportée par le crédule Ottone, césar des cornuti, qui ne voit rien, et délaisse Rome pour sa béate félicité, au désespoir de son confident Decio."

Opéra International :


- « Ottone in villa », créé au Teatro delle Grazie de Vicence en mai 1713, marque les débuts de Vivaldi dans l'univers de l'opéra. Agé de 35 ans, tout juste nommé maestro de violon à l'Ospedale della Pietà, le compositeur s'est déjà fait connaître par la richesse de ses partitions instrumentales, avec la publication de L'Estro armonico. Son premier dramma per musica, sur un livret de Domenico Lalli, dédié à un aristocrate anglais séjournant en Vénétie, révèle un musicien d'une rare habileté, sachant servir les règles de l'opera seria de son temps avec une certaine originalité. Le livret lui-même qui, pour une fois, ne célèbre pas le triomphe de la vertu, est assez nouveau pour l'époque : faisant l'éloge de la corruption et de l'intrigue, il fut d'abord jugé "amoral" et "anti-héroïque".
L'écriture vocale, de son côté, retrouve toute la chatoyance des concertos et des sinfonie, et la voix est d'emblée traitée comme un véritable instrument. Vivaldi, rappelons-le, connaissait à la perfection les règles du chant, qu'il enseignait aux jeunes filles ospedaliere de Venise. Il imagine donc, pour les cinq personnages principaux de « Ottone in villa », des tessitures assez confortables, mettant l'accent sur la recherche des clairs-obscurs dans le timbre, réclamant tour à tour des chanteurs la précision d'un violon, l'éclat d'une trompette, la suavité d'une mandoline... exigences qui n'effrayaient en aucune manière les créateurs."
(Juin 1997).

Sinfonia d'Ottone in villa dans la version du Collegium Musicum 90 sous la direction de Richard Hickox chez Chandos (DR).


Bertrand Bolognesi :


- "Il serait fastidieux de résumer l’intrigue : on indiquera simplement qu’elle nous mène à Rome, sous le règne d’Othon dont elle conte les amours tumultueuses sur fond de politique. À dessein sa facture est relativement rudimentaire : les commanditaires souhaitaient un ouvrage facile à représenter, sans machinerie, peu coûteux et directement efficace. On reconnaîtra que la proposition de Vivaldi va droit à l’essentiel, filant trois actes rapides qu’occupent cinq protagonistes, sans chœur. Plus précisément, l’écriture avance dans l’action en une succession de récitatifs nerveux et d’arie da capo exprimant chacun un sentiment, une intention, sans nuancer plus profondément."
(Anaclase, 8 février 2004).

Bruno Maury :


- "Quelques mots de l'intrigue, simple dans son principe, mais enrichie de nombreux rebondissements et quiproquos. Cleonilla, maîtresse de l'empereur Ottone, a séduit le beau Caio Silio puis s'est éprise du page de ce dernier, Ostilio. En réalité ce page n'est autre que Tullia, la maîtresse délaissée de Caio…" :
(Muse Baroque).

Camille de Joyeuse :


- "Ottone in villa convoque dans son intrigue un chassé croisé d'émois amoureux dont le trouble favorise chez les personnages et les couples décomposées, recomposés, vertiges et doutes en perspectives. Un temps fort de cette action qui mêle sensualité et cynisme demeure évidemment la scène "fleuve" de l'acte II où Caio, abandonné par Cleonilla, épanche sa plainte désespérée (aria: "L'ombre, l'aure..."), et trouve un écho illusoire en Tullia, cachée dans une grotte: tout le Vivaldi poète et magicien est là, d'une hypersensibilité qui palpite au diapason d'une nature mystérieuse, inspiratrice, miraculeuse: flûtes enchantées, cordes souples et évocatrices... il n'y a qu'un pas avec l'alchimiste démiurge des... Quatre Saisons. La pauvre errance des coeurs et l'éblouissement que suscite la divine nature créent l'un des tableaux les plus saisissants de l'écriture lyrique vivaldienne."
(Classiquenews, 10 novembre 2010).

Aria : "L'ombre, l'aure..."

Danielle Anex-Cabanis :

- "Le livret de Lalli est confus autour d’une histoire de sentiments contrariés, de jalousie et de duplicité avec un happy end qui consacre en fin de compte le triomphe des menteurs et des imbéciles qui veulent bien les croire. Peu importe, cette entrée de Vivaldi dans l’univers de l’opéra se révèle une œuvre fascinante par sa richesse et son inventivité. Vivaldi ose tout et le résultat est littéralement époustouflant : airs de bravoure alternent avec des pièces musicales qui pourraient être autonomes tant elles sont construites avec imagination, en recourant à tous les artifices possibles des instruments et de la voix. A titre d’exemple, on citera le somptueux « Che fé, che amor » de Cleonilla."
(utmisol).

Che fé,
che amor
per te
nel cor,
sempre costante
amante,
riserberò.

Non dubitar
che amar
sempre ti voglio sì,
e se mi ferì
quel vivo cinabro
del tuo labro
ancor l'adorerò.



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lundi 14 mai 2012

P. 144. "Le Chemin noir", film d'Abdallah Badis

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Site, cliquer : ICI.

Synopsis


- "De la campagne paisible aux paysages sidérurgiques sinistrés de Lorraine, sur la trace d’un passé enfoui, le chemin noir traverse la France d’aujourd’hui et celle d’hier, entre documentaire et fiction. A travers un destin individuel s’y raconte une histoire collective, celle de l’immigration algérienne en France. Aux sons du jazzman Archie Shepp, l'enfance du réalisateur renaît et avec elle son cortège de fantômes : les vieux Arabes invisibles, le métal en fusion et l'usine disparue."

Abdallah Badis

- "Le film parle du passage d’un monde à un autre monde… Les choses disparaissent, mais heureusement les hommes restent. J’allais à la recherche de l’histoire de mon père."

Son blog ? Cliquer : ICI.

Olivier Seguret

- "En principe, tout film devrait pouvoir répondre à cette question, posée à son metteur en scène : pourquoi filmez-vous ? Mais dans la réalité, de nombreux films ne donnent aucune idée de ce qui profondément les motive, aucun indice sur leur nécessité réelle. Avec le Chemin noir, c’est l’inverse. Le film anticipe d’emblée toutes les questions ayant trait à son existence et semble exprimer par tous ses plans la vérité profonde d’un cinéaste nous confessant «pourquoi je filme». Abdallah Badis filme pour sauver sa peau, son âme, son honneur d’humain. Son Chemin noir est un documentaire personnel et poétique, qui s’en va sillonner la Lorraine fantôme de la houille, de la sidérurgie et des hauts fourneaux, en cherchant sur ces terres d’abandon et de friche la trace de ceux qui, autrefois, vivaient et travaillaient là."
(Libération, 8 mai 2012).


Encore et toujours un travail de mémoire... (DR).

Olivier De Bruyn

- "Pour son premier long-métrage, Abdallah Badis, qui fut ouvrier aciériste en Lorraine avant de travailler pour le théâtre et le cinéma (entre autres avec René Allio et Jean-Pierre Limosin), échappe aux conventions et prend des risques. Dans ce documentaire d'une grande liberté formelle, qui flirte parfois avec la fiction, le cinéaste refuse les discours convenus sur l'immigration, l'"identité nationale" et invite à un voyage impressionniste où, en évoquant sa propre mémoire, il rend compte du destin collectif d'une communauté et d'une région frappées de plein fouet par les "restructurations".
(Le Point, 8 mai 2012).

Isabelle Leroy

- "Noir de suie et de charbon, ou bien noir d’une nuit d’encre et de contes, Le Chemin noir qu’emprunte Abdallah Badis dans son premier long-métrage évite habilement les ornières du film social ou du débat identitaire. Fruit de dix ans d’écriture, de rencontres, de galères et de recherche de financements, ce road-movie dans les contrées de l’enfance du cinéaste, entre l’Algérie fantomatique et les vallées industrielles de Lorraine, emprunte à la fable plutôt qu’au pamphlet. De forêts enchantées en cimetières d’usines, Abdallah Badis compose un paysage mémoriel où se côtoient une histoire franco-algérienne des Trente Glorieuses et les mille et une vies des ouvriers immigrés qui en furent les acteurs anonymes."
(Critikat.com).

Isabelle Regnier


- "Sans verser dans le misérabilisme ni dans le ressentiment, sans rien occulter non plus de la dureté, de la violence de ce qu'a vécu cette communauté d'ouvriers métallurgistes immigrés en Lorraine, l'auteur ravive sa mémoire en mettant en scène l'intranquillité qui l'habite. Cette intranquillité est le lot des déracinés, mais elle est aussi celui de quiconque reconnaît cette coupure irréparable si étrange entre un enfant qui a été, puis a cessé d'exister, et l'adulte dans lequel il s'est transformé.
La beauté du film tient à la manière, poétique, qu'il a d'entrelarder l'intime et l'universel. En faisant résonner l'expérience individuelle de l'auteur avec celle des personnages qu'il rencontre, et en investissant le destin spécifique de cette communauté d'une portée bien plus universelle encore."
(Le Monde, 8 mai 2012).


Le cimetière des éléphants de la sidérurgie... (DR).

Jean-Christophe Ferrari


- "La Lorraine: sa campagne ensommeillée, ses paysages sidérurgiques éventrés. Le long du chemin noir – morceau de voie ferrée qu’empruntaient autrefois les ouvriers pour se rendre de la cité ouvrière à l’usine – se sont accumulés les vestiges charbonneux de l’histoire de l’immigration algérienne en France. Cette histoire, Abdallah Badis la raconte à travers son destin personnel. Celui d’un fils de mineur, mineur lui-même avant de devenir cinéaste. Au son du jazz d’Archie Shepp, l’enfance du réalisateur renaît autour d’un objet totémique: une 404 à l’abandon, Alors que des ouvriers à la retraite s’emploient à la réparer, l’Histoire et ses histoires émergent."
(evene.fr, 7 mai 2012).

Josselin Naszalyi

- "Le lien avec le pays d’origine – l’Algérie – soutient comme un fil tendu tout au long du film cette ouverture sur l’intimité du réalisateur (très présent à l’image) et l’éclatement de ses liens familiaux. C’est lui qui va nourrir les conversations impromptues survenant autour d’une vieille 404 à réparer, où chacun, retroussant ses manches, en ira à la fois de ses conseils et de son histoire personnelle. Avec les mots se trouve convoquée la cohorte de fantômes d’un passé douloureux : immigration, précarité affective et sociale, travail à la mine ou dans les zones sidérurgiques de Lorraine. On raconte un éloignement dans l’espace (relation parfois contrariée au pays d’origine et à ceux qui s’y trouvent toujours) et dans le temps (la mine ainsi que les usines, où se sont épuisés nombre de travailleurs immigrés, sont désormais fermées). Mais on se rapproche également autour de la possible élaboration d’une Histoire partagée. La mise en œuvre de ce processus sous des atours pour le moins minimalistes mais avec une efficacité redoutable fait tout le prix du film. C’est également ce qui lui permet de s’extraire du tout-venant devenant lassant de documentaires familiaux ou autobiographiques qui tendent à vouloir faire du cinéma l’archive éclatée d’une multitude de mois sans réel travail d’écriture."
(Il était une fois le cinéma).

Olivier Barlet

- "Les corps du Chemin noir, ce sont ceux des manœuvres algériens de la sidérurgie dont le réalisateur est issu, ceux de ces retraités qui regardent leur reste de vie passer, se demandant où ils seront enterrés. Le réalisateur a passé 25 jours à l'arrière de leur foyer, où ils passent leur temps ! Car leur parole n'est pas immédiate. Mais quand elle fuse, dans une impressionnante maturité et clarté, ce sont des moments de grâce comme nous en offre rarement le cinéma ! Le prétexte du contact était la réparation d'une 404 Peugeot, qui donne sa cohérence au film. Car la mémoire est un long geste de réparation, alors même que la relation entre la France et l'Algérie reste très déchirée. Mais sur quoi appuyer cette mémoire alors que les usines sont en ruines ou ont disparu, remplacées par un parc d'attraction ? Attentif mais impassible comme un Elia Suleiman, Abdallah Badis illustre avec Archie Shepp sa mélancolie sans jamais tomber dans la nostalgie."
(africultures, 1 septembre 2010).

Bande annonce :




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